Hier encore, mon corps, si résigné.
Fatigué, à force de crier, et jamais complètement libéré.
D’une étape à l’autre, mon cœur a voyagé de lassitudes en colères. A combattu, s’est débattu, combien de fois l’ai-je senti abattu ??
D’une étape à l’autre, mon corps a voyagé de lassitudes en colères. A combattu, s’est débattu, combien de fois l’ai-je senti abattu ??
D’une étape à l’autre, j’ai tellement expulsé.
Je l’ai apprivoisé, mon corps, j’ai appris à le connaître, je lui ai montré la douceur, il m’a donné sa chaleur, et la joie de sentir ses contours. Oserais-je dire que j’ai appris à l’aimer ? J’ai pour lui le plus grand des respects, mais certains jours encore, il me fait honte, comme enduit d’une couche de saleté.
Je tente de l’habiter au mieux de mes possibilités. Il m’échappe encore, parfois. Je m’échappe encore, parfois.
Si souvent, un cri, qu’il soit clair ou sourd est sorti de mon corps, un cri, des cris, rentrés, étouffés, ou puissants et forts. Dans le secret d’un cabinet psy, abritée sous les arbres en forêt, protégée par le cocon d’une voiture, dans l’ivresse des grands espaces, face à la mer et au vent du nord.
J’ai crié, dans le souhait et l’espoir d’être apaisée.
J’ai senti maintes fois les effluves de liberté me caresser la peau.
J’ai crié dans la solitude ou accompagnée.
J’ai crié de rage et d’injustice. J’ai crié d’impuissance et de dégoût.
J’ai crié jusqu’à fatiguer. J’ai crié jusqu’à l’épuisement.
J’ai crié jusqu’à faire naître et s’épanouir la femme en moi.
Crier encore ?
Mon corps.
Chaque jour, j’ai déployé et déploie encore une énergie surhumaine à le réparer.
Le temps est passé et mon corps s’est amplifié, a posé ses limites, circonscrit un périmètre qui tient à l’écart ceux qui l’approchent de trop près.
Par nécessité.
Parce qu’il me le demandait.
Parce qu’il en avait besoin.
Mon corps garde ses distances, à moins qu’il ne choisisse de s’approcher. On ne peut plus lui parler comme avant. On ne peut plus l’aborder comme avant. C’est comme ça.
Mon corps des années durant, anesthésié, ensuite perméable à tout, sans protections aucunes, a gagné en puissance.
Il a progressé jour après jour pour enfin prendre sa place dans l’espace. J’ai pris ma place de femme dans l’espace.
Mon corps a besoin de souffler. De s’autoriser à vivre pleinement cette place. Il a conquis sa liberté. Veut la savourer. Ne pas la perdre.
Mon corps a besoin d’avoir confiance. Encore.
Aujourd’hui, il me souffle de souffler au dehors la tristesse qui encombre mes poumons.
Aujourd’hui, c’est ma gorge qui s’ouvre, se dénoue et se déploie de plus en plus, c’est ma bouche qui se décrispe peu à peu, veut cesser de retenir l’excédent d’émotions.
La tristesse. Celle de se dire que personne ne pourra jamais effacer. Réparer complètement. Que personne d’autre que moi ne pourra vraiment comprendre et apaiser la petite fille blessée.
Je le sais.
C’est douloureux. Et rassurant. Je serai toujours là pour elle.
Aujourd’hui, mon corps a besoin de pureté. De nager à perdre haleine dans un océan de pureté. Il m’indique de respirer l’émotion qui le traverse, quelle qu’elle soit et de me féliciter encore. Encore et encore.
Mon corps est dans la colère, pourtant, encore, de ce qu’on lui a fait. De se sentir parfois si vite agressé. Encore. Sur la défensive.
Mon corps encore souvent se referme, se replie en foetus.
Mais il n’est pas mort, il vibre, vivant. Mon corps et ses désirs me crient de continuer à exister.
A suivre.
NB: j’ai écrit cet article au son de cette reprise de Get lucky, des Daft Punk.