Vieux réflexes tenaces

C’est incroyable comme les « vieux » réflexes se mettent tout de suite en route, pour qui a vécu des violences très tôt dans sa vie. Voilà que je me rends compte ressentir à nouveau une culpabilité diffuse de m’être fait voler…pardon que des petits cons m’aient volé mon sac. Culpabilité dont je ne me culpabiliserai pas, tant je sais d’où elle vient. Et la société, comme pour le reste, en rajoute une couche, la société incarnée pour l’heure par mon propriétaire, qui me dit « mais enfin, pourtant vous êtes jeune, il fallait les taper »…Ben tiens..Et moi de lui expliquer qu’ils m’ont – BANDE DE PAUVRES PETITS LACHES – surpris par l’arrîère (et je peux vous dire que je tenais fermement mon sac, le gamin a dû s’y reprendre à deux fois pour me l’arracher; c’est assez effrayant cette sensation dont je me rappelerai toujours, de sentir une AUTRE main que la vôtre qui agrippe la poignée de VOTRE sac-à-main. Il a failli me faire tomber, je me suis redressée et retournée illico, (pas blessée, ouf), et j’ai crié aussi fort que je le pouvais, j’ai GUEULE, oui « rendez-moi mon sac (petits cons) !! » et « au voleur ! » (comme dans les BD ou les films des années 40, plus personne ne crie ça, non ?), j’ai crié les mêmes mots pendant plusieurs mètres, en courant plutôt pas mal, étant donné mes talons (mais on peut courir en talons, oui, oui, j’en suis la preuve vivante 😉 ). Je m’époumonnais après ces petits cons que je voyais s’enfuir au loin, pendant qu’un brave homme – qu’on prit pour mon mari, ensuite – appelait la police; et je venais de m’arrêter quand j’ai croisé ce couple qui venait de voir deux gamins regarder dans un sac. Ces charmantes personnes m’ont aidée, et l’homme m’accompagna à la recherche de mon sac en attendant la police – qui le prit pour mon mari ensuite – au cas où les jeunes cons l’aurait abandonné ici ou là (le sac, pas la police (quoique). Donc point de sidération de ma part, une réaction au quart-de-tour plutôt. Même avec tous les cours de self-defense du monde, je n’aurais pas pu les empêcher de m’agresser, on est bien d’accord. Et on ne va pas commencer avec les « je n’avais qu’à pas me trouver à tel endroit, à telle heure », (mmm, ça vous dit rien, ça ?), parce que sinon je HURLE (d’ailleurs les flics ne m’ont fait aucune remarque désobligeante (encore heureux). Juste suggéré que les voleurs choisissaient leurs victimes (eh oui, je suis une femme, pas de bol). Halte à la culpabilisation des victimes.

Lettre de colère saine à mes voleurs

Alors, mes petits voleurs, vous allez bien ? Alors ??? Heureux de m’avoir arraché mon sac ??? Comment vous sentez-vous ?? Fiers de vous ??? Qu’avez-vous pensé de votre butin ? Vous avez gagné le gros lot, je n’avais « que » 20 Euros et des poussières dans mon sac et un téléphone merdique, plat qui plus est. Avec chargeur, mais sans code pin, désolée ! Un portefeuille que j’affectionnais, artisanal, qu’on ne trouve pas partout. Heureux d’avoir toute une série de cartes de fidélité qui ne vous serviront pas ?? Quelle chance, vous avez un bâton de rouge à lèvres à votre disposition, petits veinards !! Et un flacon d’HE de lavande !! Croyez-moi, c’est mieux que le shit ou la cocaïne, essayez, au moins, histoire de rentabiliser le truc ! Pas de bol pour vous les gars, j’ai bloqué mes cartes de banque directement. Et mon agenda, il vous convient pour noter votre emploi du temps surchargé ? D’autres vols à l’arrachée en prévision ? Un attentat, peut-être, non ? Pour quand ??

Mes chers sales gosses, pourriez-vous me dire où exactement vous avez jeté le sac après vous être servis: quelque part dans les fourrées ? J’ai cherché, mais n’ai rien trouvé. Mon sac, un « bête » sac noir, pas un sac de marque, et il se faisait vieux, mais je l’aimais bien quand-même. Pareil pour les quelques effets personnels. C’est le côté affectif, mais ça doit vous échapper, je crois, ça. J’avais aussi des cartes de mon livre, mon roman, alors, allez-y soyez curieux, sortez de votre zone de confort !! Paumés ou pas, moi je n’en ai cure. Vous êtes de minables petits cons. Je n’ai pas d’empathie pour vous, non, marre !!! Il y a autre chose à faire, d’autres choses à faire que ça. A bon entendeur….

Ironie du sort

C’est ironique, un débat intitulé « nouveaux racismes et préjugés » à la Foire du Livre de Bruxelles. C’est ironique de se dire que les deux invités – deux hommes blancs (Pascal Brückner et Thomas Guénolé), deux hommes blancs, comme le fit remarquer une jeune femme noire dans le public, de suite invitée par l’animateur à prendre place sur le « plateau », ce que je trouve plutôt sympa…C’était ironique, disais-je, qu’ils débattent contradictoirement de l’islamophobie (pour ou contre ?), dans un bâtiment (Tour et Taxis) en plein Molenbeek-Saint-Jean. Dans un bâtiment abritant un salon du livre gratuit et pourtant, je n’ai vu hier et avant-hier quasi – quasi – que des têtes blanches (quelques noires et asiatiques). C’est en sortant que le contraste est saisissant, et je ne m’en étonne pas, d’habitude. Je connais le quartier, je peux aller à pied à la Foire du livre, je l’ai fait vendredi. Je traverse la place Simonis, prends par la rue de Ribaucourt, je passe la tête haute sans les regarder, devant des cafés aux terrasses – oui c’est presque le printemps – remplies d’hommes – il faut le dire -, et j’arrive à Tour et Taxis. Aux alentours de ce lieu d’histoire entouré de grilles, c’est un quartier pauvre. A la Foire du Livre, ça pue le fric, même si c’est gratuit. Ils débattaient de l’islamophobie (en mode fantasme ou vérité ? « Attention, j’ai les chiffres…Et moi je vous dis qu’on doit pouvoir critiquer l’islam, et moi je vous dis qu’il y a une psychose concernant l’islam ! Vous n’y êtes pas, très cher, faites gaffe aux islamogauchistes ! Patatipatata »), ils débattaient de ça, mais sans les musulmans, et pas de femmes voilées à la Foire du Livre. J’en ai croisé en sortant. A qui la faute ? J’en sais rien, l’entrée est gratuite. Mais le fossé est profond, me semble-t-il. En attendant, après, je suis allée faire un tour au parc et on m’a volé mon sac. Je vous passe les détails de cette soirée horrible. Sans papiers, clés, téléphone, etc. on se sent à nu. C’est une violence. Un sac, c’est l’intimité, on se sent légèrement violée. Heureusement que je suis forte. La vie t’abîme. « On » m’a volé mon sac…Qui ça, « on » ? Des gamins de 13, 14 ans. Mais bande de petits cons, j’ai pas un rond ! De quelle origine ? Oui, j’ai dû les décrire évidemment, à la police. De quelle origine ? Oui, c’est eux, vous vous en doutez, évidemment, moi aussi, je m’en doutais. Faut pas se mentir. Rien n’est tout noir ou tout blanc. Zone grise. Zone floue. Je suis en colère, quand-même, c’est normal. Petits cons. Malaise. La vie abîme, heureusement, il reste l’ironie. Je suis un peu cassée, là, mais je suis forte, j’en ai vu d’autres, et puis ça arrive à d’autres. Le cynisme, ça aide, vraiment. Allez, c’est dimanche, bon dimanche. Je m’en vais passer un moment à la Foire du Livre, elle dure encore deux jours, il y a des débats. Et l’entrée est gratuite. La vie continue.